Prêcher dans le désert


Jean-Pierre May, vingt-cinq ans passés à valoriser la Villa Cavrois.


Jean-Pierre May visite régulièrement la Villa Cavrois, qu’il a contribué à sauver.

Un article publié dans la Voix du Nord le mardi 1er août 2017 sous la plume de Florent Moreau.




Toute la semaine, nous mettons en lumière des militants de l’ombre. Des acteurs de la vie locale qui œuvrent discrètement, à leur manière. Aujourd’hui, Jean-Pierre May, qui avec d’autres a milité pendant vingt-cinq ans pour la réhabilitation de la Villa Cavrois.  

C’est un monsieur élégant, au parler doux et clair, et au phrasé taillé pour captiver un auditoire. On rencontre l’ancien médecin dans la salle de jeux des enfants, en haut de la Villa Cavrois, où un visiteur intrigué l’interrompt pour s’enquérir de son âge : « Vous savez, ce qui me frappe, c’est votre façon de parler, Monsieur. Les gens ne parlent plus comme vous. »

La première fois que j’ai vu les intérieurs, j’étais totalement ébahi. Ébahi ! C’était magnifique. On a tous  été époustouflés. 

Jean-Pierre May est né en 1932, l’année où l’architecte Robert Mallet-Stevens remet à son propriétaire, le patron d’industrie textile Paul Cavrois, les clefs de la villa qu’il vient de construire. Un demi-siècle plus tard, à la fin des années 80, le Lillois découvre à travers une haie l’imposante bâtisse jaune. « Un ami qui habitait Hem m’a dit, Tu aimes bien l’art déco ? Je vais te montrer quelque chose . Il m’amène ici et je suis ébahi par les dimensions, par ces volumes tout à fait géométriques, et par la couleur. » Coup de foudre.

Contrarié, le promoteur laisse la villa se dégrader

À l’époque, la villa est encore en bon état. Elle appartient à un promoteur immobilier qui rêve de la transformer en appartements, mais se heurte aux refus administratifs. Jean-Pierre May se met en tête de préserver ce bijou architectural. D’abord seul, en alertant l’ordre des architectes et la direction régionale des affaires culturelles, puis en groupe, en participant en 1991 à la création de l’Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois (ASVC), dont il prend la vice-présidence. « L’une des premières choses qu’on a faites, c’est de créer un comité de parrainage. » L’acteur Claude Piéplu, l’académicien Alain Decaux et des architectes de renom en sont.

La maison est rapidement classée monument historique mais, contrarié dans ses plans, le promoteur la laisse se dégrader. Pendant dix ans, Jean-Paul May et une poignée de passionnés la voient dépérir, squattée, taguée, pillée, incendiée. 
Ils saisissent les pouvoirs publics, « mais la question que nous posaient toutes les collectivités, c’était : C’est bien beau, mais qu’est-ce qu’on va en faire ? »

Prêche dans le désert

Un jour où il rencontre Pierre Mauroy, président de la communauté urbaine, Jean-Pierre May évoque le dossier : « Je le vois encore, levant les bras au ciel : Ah ! La Villa Cavrois ! Elle est magnifique, mais je ne sais pas quoi en faire… »

Les membres de l’association multiplient les coups – poissons d’avril dans la presse, inauguration d’une fausse rue Mallet-Stevens… – pour éveiller les consciences, « avec l’impression de prêcher dans le désert ». Ce jusqu’au rachat de la villa par l’État, en 2001, puis sa réhabilitation : un chantier de treize ans que Jean-Pierre May, devenu président de l’association, suit avec l’intérêt qu’on imagine.

Le matin du 12 juin 2015, il découvre enfin la Villa Cavrois restaurée, juste avant son ouverture au public. « La première fois que j’ai vu les intérieurs, j’étais totalement ébahi. Ébahi ! C’était magnifique. On a tous été époustouflés. » 

Vingt-cinq ans d’attente, et une certitude : « Ça valait le coup ! »



Une visite de la Villa Cavrois avec Jean-Pierre May est toujours passionnante
© Jacques Desbarbieux Amis de la Villa Cavrois