Renaissance d'une œuvre moderniste


La Villa Cavrois : la renaissance d'un chef d'œuvre moderniste


RTBF Daphné Van Ossel. Publié le lundi 10 août 2015

La Villa Cavrois, près de Tourcoing, a été conçue par l'architecte français, d'origine belge, Robert Mallet-Stevens et commandée par un riche industriel du textile, Paul Cavrois. Inaugurée en 1932, elle a été complètement pillée, et vandalisée. L’État français l'a acquise en 2001 et vient d'achever les rénovations qui ont coûté 23 millions d'euros ! Résultat : un petit bijou d'architecture ouvert au public.

D'emblée la villa s'impose, toute en horizontalité, rythmée par une seule tour mirador. Couverte de briques jaunes, on dirait une cousine de notre Flagey bruxellois, avec qui elle partage d'ailleurs le surnom de "paquebot". "C'est un bâtiment qui fait 60 mètres de long, qui a des chiffres assez imposants. Vous avez 1800 m2 habitables, 850 m2 de terrasses", explique Anita Leurent, notre guide du jour, une passionnée. "En 1932, c'est vraiment une audace à tous les points de vue, au niveau des proportions et au niveau du style. Ce n'était pas du tout l'esprit du milieu social dans lequel évoluaient Monsieur et Madame Cavrois. Donc cette villa dénotait et elle était traitée de paquebot tellement elle était énorme, et un peu incongrue."


Pour pénétrer dans cette villa, il faut se munir de chaussons histoire de protéger les parquets mosaïques, entièrement rénovés à la main. L'intérieur impressionne aussi : les Cavrois vous accueillent dans un hall salon de 7 mètres de haut, avec une énorme baie vitrée qui donne sur le parc. "A gauche, vous avez une petite fosse avec le coin cheminée, tapissé de marbre de Sienne jaune et, à droite, il y a un canapé sur lequel on peut se reposer. C'est une villa moderniste, poursuit Anita Leurent, tout est fait de telle manière à ce que les matériaux soient traités de façon fonctionnelle mais aussi avec des lignes tout à fait modernes, sans ornementation, sans décoration bavarde. Donc quelque chose de simple, de sobre, où on joue sur les matériaux, et sur les proportions."


Dans la pièce suivante, la salle à manger des parents, changement de décor : les murs sont tapissés de marbre vert. "Ici, on peut parler de l'influence importante de Josef Hoffmann, qui a construit le Palais Stoclet à Bruxelles. Tout est en marbre vert de Suède, avec un magnifique miroir, tout en horizontalité, qui permet de refléter le parc et de sculpter les volumes. On voit aussi un mobilier en poirier, noir et vernis, qui fait aussi référence au Palais Stoclet. Mallet-Stevens était en fait le neveu de Madame Stoclet. C'est ainsi qu'il a eu l'occasion de visiter le Palais conçu par Hoffmann, et qu'il s'y est beaucoup référé dans son architecture." Juste à côté se trouve la salle à manger des enfants : "A l'époque, enfants et parents vivaient dans deux mondes différents. Les parents vivaient d'un côté et les enfants vivaient de l'autre." Anita Leurent nous fait aussi remarquer un détail amusant : "Il y a là un petit escalier qui permettait aux enfants d'accéder directement au parc, sans passer par le côté des parents, une fois le repas terminé." L'ambiance est totalement différente. Ici, ce n'est plus du marbre vert mais du bois qui tapisse les murs... exactement le même que celui qui constitue la table et les chaises. Dans la villa, tout a été pensé par l'architecte : "C'est une œuvre d'art totale. Le mobilier, les poignées de portes, les poignées de tiroirs, tout a été complètement pensé par Mallet-Stevens, et toujours en cohérence."

Tout le mobilier avait disparu. Certaines pièces ont pu être retrouvées chez des collectionneurs, d'autres ont été reconstituées à l'identique : un travail de titan, comme d'ailleurs pour retrouver les couleurs des peintures de l'époque : "Dans chaque pièce vous voyez ces petits carrés creusés sur les murs parce qu'en creusant on a trouvé la couleur d'origine".



La salle de bain des parents est impressionnante. "Un royaume de marbre de 60 m2, avec, aussi, sur un mur complet, des placards adaptés à la carrure de Monsieur Cavrois ainsi que des tiroirs à la carrure de Monsieur Cavrois. Comme dans toutes les pièces, on retrouve la présence de la technologie : des horloges et des haut-parleurs intégrés dans les murs. Ici, il y a aussi un baromètre, et une balance, eux aussi intégrés dans la paroi". On retrouve en somme tout le confort moderne, dans une villa des années 1930. Dehors, les Cavrois se sont aussi payé le luxe d'une piscine. Le parc a retrouvé son aspect d'antan, avec les mêmes allées, le même long miroir d'eau et exactement les mêmes plantes. Toute la villa est en somme une ode au goût et au savoir-faire de l'homme d'hier et d'aujourd'hui.