Victime de son succès




Croix : la Villa Cavrois retrouve peu à peu ses meubles ... à prix d’or

Publié par la Voix du Nord, le 4 janvier 2016, par Gilles Marchal

Ouverte au public en juin, l’œuvre de Mallet-Stevens retrouve peu à peu son mobilier original. Le Centre national des monuments a fait sa dernière acquisition le 16 décembre à New York : deux tables et dix chaises pour 252 000 dollars. Et dire qu’il y a quelques années, personne n’en voulait.

Quand, en 1986, la famille Cavrois met en vente sa luxueuse villa plantée dans le quartier huppé de Beaumont, à Croix, près de Roubaix, la totalité du mobilier est dispersé à l’exception d’une table de cuisine. Les héritiers conservent une partie des meubles dessinés par l’architecte Robert Mallet-Stevens au début des années 1930, le reste part en salles de ventes.

À l’époque, les enchères ne décollent pas. L’association des Amis de la Villa Cavrois rapporte que « la première vente organisée par Sotheby’s à Monaco le 5 avril 1987 à la demande de la famille sera un échec commercial. Le mobilier sera finalement éparpillé chez des collectionneurs. Il s’échange aujourd’hui à prix d’or alors qu’à l’époque il n’avait guère intéressé les amateurs. »

232 500 euros

Quand on dit à prix d’or, on n’est pas loin de la réalité. En trente ans, la cote des créations de Mallet-Stevens a littéralement explosé. Le Centre National des Monuments (CNM), qui a rénové de fond en comble la Villa Cavrois pendant 12 ans avant de l’ouvrir au public en juin dernier, est donc bien obligé de mettre la main au porte-monnaie pour racheter le mobilier original.

En 2011 déjà, le rachat des sept pièces du boudoir de Madame Cavrois – un fauteuil, une coiffeuse, une travailleuse, deux appliques et une paire de chauffeuses – avait été scellé chez Christie’s à Paris pour 591 000 euros.

Le 16 décembre dernier, c’est un ensemble de dix chaises et de deux tables qui a été acquis chez Sotheby’s à New York pour 252 500 dollars, environ 232 500 euros, avec l’aide du ministère de la Culture via le Fonds du patrimoine.

Paul-Hervé Parsy, l’administrateur de la Villa Cavrois, a assisté à la vente. Il explique : « En 1987, le travail de Mallet-Stevens n’était pas si bien connu. Il a fallu attendre la fin des années 1990 et le classement de la villa pour qu’on s’y intéresse. Ce qui a tout changé, c’est la rétrospective de l’œuvre de Mallet-Stevens au centre Georges-Pompidou en 2005, elle a marqué la redécouverte de son travail. »

Un projet de loi

La ministre de la Culture Fleur Pellerin se réjouit de cette acquisition. « Grâce à la mobilisation de l’État, l’œuvre d’art totale de Robert Mallet-Stevens retrouve sa splendeur de Château moderne comme l’avait imaginé son créateur. » Dans le même communiqué, elle fait savoir qu’un projet de loi est à l’étude « précisément pour éviter que des monuments soient démembrés ou privés de leurs biens mobiliers, à l’image de la Villa Cavrois ».

Déjà 87000 visiteurs en sept mois

Voulue par l’industriel roubaisien Paul Cavrois à la fin des années 1920, la villa qui porte son nom est une œuvre d’art totale sortie de l’imagination de Robert Mallet-Stevens. L’architecte parisien, figure du courant moderniste, a tout conçu, du bâtiment aux jardins en passant par le mobilier et les accessoires.

En 2001, quand l’État rachète le bâtiment classé monument historique 11 ans plus tôt, tout est à refaire : la villa a été dépecée et laissée à l’abandon par son propriétaire de l’époque. Douze ans de travaux et 23 millions d’euros plus tard, les lieux ouvrent au public, en juin dernier. Le Centre national des monuments espérait attirer 35 000 visiteurs en un an. Sept mois plus tard ils sont déjà 87 000.


« C’est totalement inattendu et ça n’a pas l’air de s’essouffler, se réjouit l’administrateur du site, Paul-Hervé Parsy. Jamais personne n’aurait imaginé que cela susciterait un tel intérêt. Cela montre qu’il y avait une forte légitimité de restauration de la part de l’État. » La fréquentation est telle que les groupes ne sont plus admis le dimanche. La Villa Cavrois est victime de son succès. 
G. M.


et la même publication dans Nord Eclair 
où le prix d'or est devenu ... le prix fort