La Villa Cavrois restituée dans son état d’origine

La Villa Cavrois restituée dans son état d’origine

Article de Milena Chessa - Publié le 18 mars 2015 dans Le Moniteur



La célèbre demeure réalisée dans les années 1930 par l’architecte Mallet-Stevens à Croix (Nord) retrouve petit à petit ses décors disparus, avant son ouverture au public en juin prochain.

Détruite à petit feu pendant treize ans à la suite d’un abandon (1988-2001), la villa Cavrois renaît aujourd’hui de ses cendres après trois ans de travaux de rénovation intérieure (2012-2015). Cette résidence privée de 1840 m², conçue et réalisée entre 1929 et 1932 par l’architecte Robert Mallet-Stevens (1886-1945) pour une riche famille industrielle du Nord, à Croix, ouvrira au public à partir du 13 juin prochain. « Nous estimons le nombre de visiteurs à 70 000 la première année pour découvrir ce monument du style Art Déco », indique Philippe Belaval, président du Centre des monuments nationaux. Le CMN, qui a assuré la restauration du parc et des intérieurs de la villa, est chargé de mettre en valeur ce patrimoine moderne du XXe siècle, classé monument historique en 1990 et acquis par l’Etat en 2001 (*). Une première campagne de travaux avait été effectuée par la Direction des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais, notamment le clos et le couvert en 2003.
  
Œuvre d’art totale
  
D’ordinaire, le Centre des monuments nationaux préserve le patrimoine existant. Or là, il avait en grande partie disparu : le mobilier avait été vendu et les décors vandalisés. « Il nous paraissait évident qu’il fallait restituer l’image exacte de la villa avec ses meubles qui faisaient partie intégrante des murs afin de comprendre à quel point il s’agissait ici d’une œuvre d’art totale », explique Danièle Déal, directrice de la conservation des monuments et des collections au CMN. Le chantier intérieur, d’un montant de 14 millions d’euros, a mobilisé 230 ouvriers issus de 18 corps de métiers différents, dont la maçonnerie, la plâtrerie, la marbrerie, le parquet, les luminaires, l’horlogerie, la menuiserie, la peinture décorative, la menuiserie métallique, le chauffage central, l’électricité, l’ascenseur, la plomberie et les sanitaires.

Témoignage du ravage

« Nous avons remis en état ce qui pouvait l’être et reconstitué ce qui manquait, à l’aide d’une iconographie abondante, des descriptions détaillées de Mallet-Stevens et des sondages de peinture sur place », précise Danièle Déal. C’est ainsi, par exemple, que la salle à manger a retrouvé ses revêtements muraux en marbre vert veiné de Suède, ses meubles suspendus en poirier noir vernis ou encore ses caches radiateurs en acier chromé. « Toutefois, nous avons laissé une pièce dans l’état ravagé dans lequel nous l’avons trouvée pour témoigner auprès des générations futures du travail archéologique effectué », a souligné la directrice de la conservation des monuments et des collections au CMN. C’est aussi une manière franche de dénoncer les ravages que peut entraîner parfois un manque de considération du patrimoine.

(*) A noter que l’Association de sauvegarde de la villa Cavrois, créée en 1990 pour faire pression sur les autorités culturelles et politiques afin qu’elles assument la protection de la demeure, deviendra l’Association des amis de la villa Cavrois en juin 2015.

Galerie de photos
© Milena Chessa / Le Moniteur.fr

Photo 1
Reflet



La villa de 1840 m², entourée d’un parc de 17 600 m², se reflète à nouveau dans le miroir d’eau de 72 mètres de long qui avait été comblé pendant la Seconde Guerre mondiale par l’armée allemande.

Photo 2
Piscine



« Air, lumière, travail, sports, hygiène, confort, économie. » Tels étaient les éléments du programme de cette riche demeure familiale réalisée entre 1929 et 1932 par l’architecte Mallet-Stevens (1886-1945). Une piscine extérieure longue de 27 mètres borde l’habitation.

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Volumes



Les espaces de réception et de vie privée sont répartis dans deux volumes parallélépipédiques, bâtis à l’ouest et à l’est d’une tour cylindrique qui contient un ascenseur de Jean Prouvé et un escalier en marbre. La façade principale s’étire sur 60 mètres.

Photo 4
Terrasses



Les occupants de la villa Cavrois disposaient de 830 m² de terrasses exposées au sud pour profiter de l’air et du soleil. Les couloirs de distribution sont, eux, disposés côté nord. Le parement extérieur en brique jaune a été spécialement fabriqué pour le lieu.

Photo 5
Témoignage



A l’étage de l’aile ouest, la chambre des garçons n’a volontairement pas été rénovée pour témoigner de l’état de délabrement du bâtiment avant les travaux. Les planchers et les poteaux sont en béton armé ; tandis que les murs sont en brique.

Photo 6
Salle à manger



La salle à manger a retrouvé son aspect d’origine avec ses revêtements muraux en marbre vert veiné de Suède, ses meubles suspendus en poirier noir vernis, ses caches radiateurs en acier chromé, son éclairage indirect et son plafond en staff.

Photo 7
Foyer



Une alcôve près du foyer, habillée de marbre de Sienne.

Photo 8
Vestibule



Dans le vestibule sont exposées trois des quatre appliques aux cerceaux en aluminium poli créées par Jacques Le Chevallier et René Koechlin. La quatrième applique a été restituée à partir de l’étude des appliques d’origine.

Photo 9
Salle de bains


Entièrement recouverte de marbre, la luxueuse salle de bains disposait d’une baignoire, d’une douche multi-jets, d’un pèse-personne et de multiples étagères pour les parfums et le linge de toilette de madame Cavrois.

Photo 10
Travaux



Avant l'ouverture au public le 13 juin 2015, les travaux se poursuivent dans la salle de jeu des enfants, qui pouvait également servir de petit théâtre avec son estrade à rambarde amovible et son rideau de scène. Seule difficulté pour les archéologues du patrimoine, retrouver la couleur rouge des murs à partir de photos en noir et blanc…